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Anticorps anti-VIH : prédire in vitro l’efficacité in vivo



Une étude de l'IDMIT (CEA-Jacob) met au point un essai in vitro permettant de prédire l'efficacité in vivo d'anticorps contre la transmission du virus du sida. Les résultats identifient un anticorps efficace qui bloque la transmission intercellulaire du virus à partir de sperme infecté. Ces travaux, publiés dans le journal EBioMedicine, ouvrent de nouvelles perspectives dans la prévention et le contrôle de la maladie. 

Publié le 7 août 2020

​L'infection par le virus de l'immunodéficience humaine de type 1 (VIH-1)1 reste encore aujourd'hui un enjeu majeur de santé publique. Depuis la découverte des premiers cas il y a plus de 35 ans, 78 millions de personnes ont été infectées et 35 millions sont décédées de maladies liées au sida2. La recherche avance mais le développement d'un vaccin efficace est rendu particulièrement difficile par l'importante variabilité génétique du virus, qui possède une grande capacité d'adaptation et de mutation. La compréhension des mécanismes de l'infection est essentielle pour la prévention et le contrôle de la maladie.

On sait dorénavant que le virus se propage 10 à 100 fois plus efficacement par contact direct entre cellules infectées que par contact avec des particules virales « libres », non associées à des cellules. Le sperme des hommes infectés par le VIH représente le principal vecteur de propagation du virus, et contient à la fois des particules virales libres et des cellules infectées. Ces cellules infectées interagissent avec les muqueuses exposées lors des rapports sexuels pour transmettre le virus. Parmi les cellules infectées du sperme, les leucocytes (ou globules blancs) jouent un rôle particulièrement important dans l'infection en tant que réservoir de virus et cellules impliquées dans l'immunité basée sur les anticorps.

Depuis plusieurs années, la recherche s'intéresse de près à l'identification et la caractérisation d'anticorps humains neutralisants à large spectre ou broadly neutralizing antibodies (bNAbs) : ces anticorps sont développés naturellement par certains patients suite à l'infection, leur permettant de neutraliser plusieurs souches de virus. Plusieurs panels de bNAbs, dirigés contre différentes protéines de l'enveloppe virale, sont maintenant produits synthétiquement grâce aux avancées technologiques. Les bNAbs ouvrent ainsi la voie à de nouvelles stratégies prophylactiques et thérapeutiques : non seulement la compréhension de leur mécanisme d'action permettrait d'avancer dans la recherche d'un vaccin induisant leur production, mais des immunothérapies pourraient aussi être envisagées, basées sur des combinaisons de plusieurs bNAbs de façon à déjouer les mutations du virus.

Il faut pour cela disposer de systèmes in vitro pertinents sur le plan physiologique, capables de prédire l'efficacité in vivo des bNAbs. Les études in vitro menées jusqu'à présent semblent démontrer une moindre efficacité des bNAbs contre la transmission du virus de cellule à cellule, comparée à une transmission par des particules virales libres, ce qui n'est pas cohérent avec les observations in vivo. Cependant, la transmission de cellule à cellule n'a été que peu explorée, et aucune étude ne s'est intéressée à la transmission du virus in vitro par des leucocytes de sperme provenant d'individus infectés in vivo.  

Des travaux pilotés par une équipe du Laboratoire Immunité et Transmission du Département IDMIT (CEA-Jacob) et publiés dans le journal EBioMedicine ont cherché à sélectionner in vitro les bNAbs les plus efficaces in vivo contre la transmission de cellule à cellule. Ils identifient ainsi des bNAbs bloquant la transmission cellulaire d'un équivalent simien du VIH-1, seuls ou en combinaison. Pour la première fois, la source d'infection provient non pas de cellules infectées in vitro, mais de cellules de rate (organe riche en cellules immunitaires) et de sperme de primates non humains infectés in vivo.

Dans un premier temps, le potentiel infectieux des cellules de rate provenant d'animaux infectés a été évalué sur des systèmes utilisés en routine in vitro, afin d'optimiser les conditions de l'essai. Des analyses complémentaires ont confirmé que le contenu en cellules immunitaires de la rate et du sperme était approximativement similaire, suggérant que les conditions optimisées pour la transmission par les cellules de rate devraient également fonctionner pour le sperme. In vivo, une inoculation de cellules de rate entraîne, comme le sperme, l'infection, confirmant la pertinence du test in vitro.

Des anticorps bNAbs de différentes spécificités, ciblant différentes parties de l'enveloppe virale, ont ensuite été sélectionnés. Utilisés seuls ou en combinaison, leur capacité à inhiber la transmission par les cellules infectées de rate a été évaluée sur le test in vitro et comparée aux données disponibles sur la transmission par des particules virales libres.

Les résultats identifient une combinaison prometteuse de trois bNAbs, ainsi qu'un bNAb très efficace contre la transmission intercellulaire aussi bien à partir de cellules de rate que de sperme.

Ces travaux montrent pour la première fois que des bNAbs peuvent empêcher la transmission intercellulaire à partir de sperme infecté. Ils soutiennent l'utilisation de bNAbs dans les études préventives ou thérapeutiques visant à bloquer des événements de transmission médiée non seulement par des particules virales libres, mais aussi par des cellules infectées. Ce système expérimental pourrait être utilisé à l'avenir pour prédire l'efficacité et la sensibilité in vivo des bNAbs. 



    Il existe deux types de VIH, les VIH-1 et VIH-2, qui présentent des différences moléculaires. En France, plus de 98% des infections sont dues au VIH-1. Le VIH-1 comprend quatre groupes de virus (M, N, O, P). Le groupe M, prédominant, est lui-même subdivisé en plusieurs dizaines de sous-types. Le VIH-2 est moins virulent, moins transmissible et sévit principalement en Afrique de l’Ouest.  

2     d’après la fiche d’information 2020 publiée par ONUSIDA  

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